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COLLODION

BRÈVE HISTOIRE DU COLLODION

L’intuition de l’image véritable du réel remonte à l’Antiquité ; sa captation devra attendre le XIXe siècle pour se matérialiser. A la faveur des avancées scientifiques et techniques – déterminantes notamment au cours des XVIIe et XVIIIe siècles -, l’invention de la photographie verra officiellement le jour le 7 Janvier 1839, par le concours de François Arago devant l’Académie des Sciences qui se chargera de présenter et de défendre le daguerréotype, procédé photographique nommé d’après son inventeur le français Louis Mandé Daguerre. Résultant des améliorations apportées à partir des recherches communément entreprises sur la sensibilité et la fixation de l’image aux côtés de Nicéphore Nièpce (mort en 1833), ce procédé sera acquis par la France le 19 août de la même année pour « en doter libéralement le monde entier ». L’image, captée sur une plaque de cuivre recouverte par électrolyse d’une fine couche d’argent puis sensibilisée aux vapeurs d’iode et révélée aux vapeurs de mercure, est remarquable de finesse. Seulement, on ne peut ni la reproduire ni la modifier : c’est une image unique qui reste à jamais telle qu’elle fut prise.

Toujours, du ressort de plusieurs relève l’invention.

De l’autre côté de la Manche, l’anglais Henry Fox Talbot avait lui aussi déjà mené des recherches sur la lumière et la sensibilité de différents sels d’argent, notamment sous forme de dessins photogéniques, qu’il avait fini par abandonnées, sans prendre conscience de l’importance de celles-ci. Sursaut après l’annonce officielle française, il perfectionne sa technique et fait breveté, en 1841, son procédé nommé le calotype. L’image est captée sur une simple feuille de papier enduite d’iodure d’argent. Elle est négative, les blancs et les noirs y apparaissent inversés. Cette image originale est placée sur une autre feuille de papier sensible et exposée à la lumière. On obtient alors une image positive grâce au tirage par contact. La dissociation du négatif et du positif, qui déterminera la pratique photographique pour les 150 ans à venir, est un pas absolument décisif pour le médium. Un négatif original unique permet désormais de multiplier les tirages et d’en modifier la teinte ou la densité. La photographie n’est plus une simple technique permettant de fixer une image du réel, elle peut désormais l’interpréter.

A partir des années 1850, le daguerréotype et le calotype sont progressivement délaissés au profit de nouveaux procédés qui tentent d’améliorer certains points techniques : l’inversion des images ; le poids, la taille et le coût du matériel ; la simplification des manipulations ; la multiplication facile des tirages ; la réduction des temps de pose. Face au papier, dont l’épaisseur en coton emprisonne l’image en son milieu et voile la transparence des détails, les négatifs sur verre vont permettre de multiplier les tirages positifs en produisant une finesse de rendu supérieure au calotype. Le premier procédé sur verre sera basé sur l’albumine (blanc d’œuf) dont le temps de pose reste encore trop long.

C’est en 1851 que le collodion humide fait son entrée et marquera l’histoire des techniques photographiques. Inventé à l’origine pour servir de pansement chirurgical, le collodion (du grec kollodis, collant) est une substance gélatineuse qu’on obtient en trempant de la pyroxyline (puissant explosif, également appelée « coton-poudre », « nitrate de cellulose », « nitrocellulose », ou « fulmicoton ») dans un mélange d’éther et d’alcool. Son application possible à la photographie avec l’ajout de sels d’argent a été découverte et élaborée simultanément par le français Gustave Le Gray et le britannique Frederick Scott Archer, bien que la polémique sur le rôle pionnier de ces derniers fit rage à l’époque. Nous devons à Gustave Le Gray d’avoir indiqué dès 1850 dans son Traité pratique de photographie sur papier et sur verre les avantages du collodion humide sur l’albumine, notamment en termes de réduction de temps de pose. Mais c’est à Frederick Scott Archer qu’on doit le détail opératoire et les formules chimiques testées et fonctionnelles du procédé grâce à la publication de sa description détaillée dans la revue The Chemist en mars 1851. Ni l’un ni l’autre cependant ne déposa de brevet, ce qui contribua au succès du procédé, lequel connu une grande popularité jusque dans les années 1870-80 où il sera remplacé par l’apparition et la commercialisation des négatifs au gélatino-bromure d’argent inventés par Richard Leach Maddox.


PROCÉDÉ AU COLLODION

Il existe de nombreuses formules avec l’emploi de métaux plus ou moins lourds pour réaliser du collodion photographique. Pour des raisons écologiques, je fais le choix d’utiliser des sels de potassium, d’une faible toxicité, contrairement aux sels de cadmium ou d’ammonium.

Les sels de bromure et d’iodure de potassium sont dissous dans le collodion. Ce mélange est étendu sur la plaque, laquelle est ensuite immergée dans un bain de sensibilisation au nitrate d’argent, transformant ainsi les sels de bromure et d’iodure de potassium en bromure et iodure d’argent, c’est-à-dire des halogénures d’argent rendant l’émulsion sensible à la lumière. Une fois la réaction terminée et sous lumière inactinique, on égoutte la plaque et on la transpose dans un châssis étanche à la lumière qu’on place dans la chambre photographique afin d’être exposée. La plaque est ensuite retirée et immédiatement développée à l’aide d’un révélateur au sulfate de fer, puis rincée, puis fixée au thiosulfate de sodium, et enfin abondamment lavée, puis séchée. En dernier lieu, un vernis de protection peut être appliqué sur la plaque.

Attention : Bien que l’application d’un vernis puisse être commode en termes de finition, ou esthétique en termes de profondeur et de contraste (cela dépend de l’effet recherché), son utilisation est plutôt déconseillée car il peut porter atteinte à la conservation de l’image dans le temps. Je peux tout de même l’appliquer si vous en formulez le souhait. 

Le procédé au collodion humide est tributaire des caprices de l’environnement climatique. Comme son nom l’indique, l’émulsion au collodion doit impérativement rester humide jusqu’à ce qu’elle soit fixée, sans quoi elle perdrait, à mesure qu’elle sèche, toute sa sensibilité. Sa pratique dépend donc de l’hygrométrie et de la température ambiante, et demande une rapidité d’exécution qui varie entre 10 et 15 minutes, selon qu’il fait froid, chaud, humide ou sec. L’automne et le printemps sont des périodes plus favorables à sa manipulation.

Très utilisée pour le portrait en studio (voir Nadar et ses centaines de portraits d’amis artistes), ce procédé apparaît plus contraignant en extérieur quant au matériel et à l’habileté technique qu’il nécessite, obligeant le photographe à transporter un véritable laboratoire mobile et optimisé.

En pratique, le collodion humide sur verre a la particularité de produire des amphitypes, c’est-à-dire à la fois un négatif et un positif, selon que la lumière est transmise ou réfléchie. Avec le verre seul, on obtient un négatif du fait de la transparence du verre ; avec un fond noir, on obtient un positif du fait de la réflexion de l’argent métallique. Directement inspirées du collodion humide, l’ambrotype et le ferrotype que nous proposons de réaliser sont des procédés brevetés.

L’ambrotype est, historiquement, un négatif au collodion sur verre placé sur une autre plaque noire ou fond noir, et scellé par du baume du Canada, pour donner une image positive (1854, James Ambrose Cutting).

Le Ferrotype est un collodion sur une tôle fine vernie en noir, donnant une image positive directe bon marché et simple d’utilisation (1852, Adolphe Martin).

L’ambrotype et le ferrotype sont par conséquent des objets uniques, alors que seul le négatif permettra de faire des tirages multiples sur papier. A votre guise !


SPECTRE VISIBLE DU COLLODION

L’aspect des photographies réalisées au collodion humide est très plébiscité car il renvoie à une imagerie spécifique qui évoque tout à la fois l’artisanat, la finesse, la préciosité et l’intemporalité. Autrement dit, nous avons affaire à de véritables œuvres d’art ! Ce rendu graphique si caractéristique est en partie dû à la vision qu’a le collodion humide du spectre lumineux. Il voit ce que nous ne voyons pas.

Comme en photographie, tout est une question de lumière, petit rappel de physique :
La lumière se comporte à la fois comme une émission de particules (photons) et comme un phénomène vibratoire. C’est un rayonnement électromagnétique qui se caractérise en amplitude, longueur d’onde, et fréquence. Sur l’échelle des radiations électromagnétiques, l’œil humain ne perçoit que les longueurs d’ondes comprises environ entre 400 et 700 nm ; en deçà, les ultraviolets, au-delà, les infrarouges.

Il se trouve que la moitié de ce que voit le collodion se situe dans l’ultraviolet qui est une région du spectre que nos yeux ne peuvent pas voir. Il perçoit les longueurs d’ondes comprises entre 325 nm (UV) et 510 nm (bleu-vert).

Se faire tirer le portrait au collodion humide implique donc de savoir en amont qu’il ne réagit pas à la lumière comme le ferait notre œil, et qu’il n’ira donc pas dans le sens que nous pourrions espérer en termes de rendu des couleurs. Très sensible à la couleur bleue jusqu’au vert, il devient aveugle aux longueurs d’ondes supérieures à 510 nm, soit au jaune, à l’orange, et au rouge. Autrement dit, vos yeux bleus seront très clairs, et votre pull rouge, très sombre. On peut, à partir de là, anticiper la composition de notre portrait, et choisir nos vêtements et nos accessoires en fonction de notre sensibilité à ces différentes tonalités de couleurs. Comme à la manière d’un peintre, je vous offre avec le procédé au collodion humide l’occasion d’être le créateur de votre propre œuvre d’art tout en accueillant avec excitation la part de hasard qui est l’un des ressorts essentiels de la photographie analogique !

Ambrosia